Archive for avril 2008

Humanité (les amants retrouvés).

24 avril 2008

Après quelques temps, ils se retrouvent, dans la même chambre d’hôtel.

–  » As-tu pris d’autres amants depuis moi ? »
–  » Et bien non. Toi ? »
–  » Non plus. »
–  » Tu crois que c’est ça la fidélité ? »
–  » Hmmm je crois pas. Après tout, j’ai continué de faire l’amour à ma femme. »
–  » Ah oui. Comme moi avec mon mari. Et ça compte ça ? »
–  » Bah non finalement t’as raison, c’est des conneries tout ça. Ce qui compte c’est que tu sois là. Viens. »

Ils s’embrassent.

A-t-elle tremblé ?

23 avril 2008

C’était un vendredi en fin d’après-midi. Il lisait, installé dans son bain à clapoter doucement, absorbé par une nouvelle de Cheever.  Il y avait juste ce qu’il faut de soleil pour tiédir et colorer la lumière de la pièce. En partant ce matin Emma lui avait annoncé qu’elle avait à faire, elle rentrerait tard. De fait il était seul dans une maison calme, il savourait ces instants suspendus et légers, les appréciant à leur juste valeur. Si juste d’ailleurs que ça ne dura pas. Un grondement sourd se mit à vibrer sous le plancher, comme si un monstrueux téléphone se mettait à sonner sous terre. La perceuse du voisin pensa-t-il et il se remit à lire en essayant de rester sourd au bruit qui insistait. Il cligna des yeux tout en tournant la page de son bouquin et c’est à ce moment que ça a commencé. D’abord il perçut une faible vibration dans le sol. Une simple impression, quelques ondes à la surface de l’eau du bain ; puis rapidement il n’eut plus de doute, c’est toute la maison qui tremblait. Le grondement sourd enfla brutalement jusqu’à devenir  une vrille insupportable qui lui déchirait les tympans. Sous l’effet de surprise il s’agrippa aux rebords de la baignoire, serra les dents et lâcha son livre qu’il regarda s’abîmer dans l’eau. Les vibrations s’accentuèrent encore et le plancher se mit à gondoler à ce point qu’il eut l’idée d’une chose énorme et vivante qui creusait sa route sous la maison. Il se prit un savon et une bouteille de shampoing sur le crâne ; puis le gros bocal en verre des sels de bains l’évita de peu qui vint se briser sur le sol en dispersant des morceaux de verres partout alentour. A présent il entendait toute la maison partir en morceau, le vaisselier du premier explosa au sol, brisant dans sa chute les verres et carafes de cristal. Les huisseries grinçaient, les planchers gémissaient, les escaliers se tordaient ; toutes sortes d’objets dévalaient des étagères et des placards, se cassaient, se brisaient, quand d’autres plus solides rebondissaient ou cognaient au sol ; de la bibliothèque à l’étage au dessus de lui il reconnut le bruit des livres s’affalant en rafales. Rien ne semblait pouvoir résister, les fenêtres explosaient, des lézardes couraient aux murs, l’air lui-même commençait à devenir irrespirable tant il y avait de poussière de plâtre et de torchis. La peur lui arrachait des larmes maintenant et il gémissait des sons aigus qui disaient non comme un enfant. Toutes les fioles de la salle de bains étaient à terre, et le parfum de sa femme lui monta au nez qui le ramena à l’état de conscience. Il entendit du sous-sol son chien hurler à la mort. Pendant tout ce temps qui lui parut une vie il était resté tétanisé, agrippé à sa baignoire.
Puis tout s’arrêta, comme une déflagration. Sous l’effet d’un courant d’air, une fenêtre claquait encore sur son châssis, il n’entendit bientôt plus qu’elle. Le fracas avait enfin cessé et le silence qu’il croyait ne plus jamais connaître était revenu.
D’abord il est resté comme impassible, immobile, n’osant pas relever la tête de peur que tout ne recommence. Puis rien d’autre ne se passant que du temps, il entreprit de se lever et de sortir du bain. Il dû se tenir aux murs pour parcourir les quelques  mètres qui le séparait de ses habits. Il était hagard et le moindre de ses mouvements lui réclamait une concentration d’alpiniste. Ses vêtements étaient trempés d’avoir baigné dans toutes sortes de liquides, gel douche, eau, parfum -l’idée le traversa brièvement qu’il avait peut-être choisi le parfum d’Emma trop capiteux tant son cœur se  soulevait à en respirer les effluves concentrées. Ses pieds se mirent à saigner d’avoir piétiné les tessons de verre jonchant le sol. Il  enfila son pantalon en équilibre instable ; en appui sur ses pieds meurtris il chuta et s’entailla profondément les paumes des mains en se rattrapant à la vasque couverte des éclats du miroir. Son esprit choqué ressentit la douleur mais ne su qu’en faire, il ne cria pas. Pêle-mêle il lui vint à l’esprit qu’il allait falloir changer le sac de l’aspirateur avant de tout nettoyer, qu’il fallait vite sortir d’ici et qu’il n’avait pas mis de crème hydratante sur ses jambes ce qui allait le faire souffrir tant sa peau était sèche. Enjambant les restes de ce qui avait été sa vie, évitant avec précautions les marches devenues pourries de l’escalier, il finit tout de même par arriver jusqu’à la porte d’entrée de ce qui avait été sa maison. Alors que tout n’était plus que trous, déchirures, murs à demi affalés et fenêtres cassées, il se fit la remarque que celle-ci était toujours debout et bien fermée. Mieux que cela, quelqu’un sonnait à la porte. Dans le capharnaüm de ses esprits, Il parvint à distinguer une silhouette au travers du verre dépoli de la porte. Il se mit à espérer que quelqu’un avait prévenu le secours et que les pompiers sonnaient aux portes des maisons encore debout afin de porter assistance aux rescapés. Dans un dernier effort avant de s’effondrer sur un brancard, il atteint la porte qui s’ouvrit sur un type des postes qui ne souriait pas.

-« Monsieur Delair ? »
Il ne répondit pas, le regard fixé sur le type qui fouillait dans une sacoche en bandoulière.
L’autre insista.
-« Vous êtes bien Monsieur Daniel Delair ? »
Finalement il réagit à l’énoncé de son nom. Il marmonna quelque chose qui avait dû signifier oui mais qui s’était fait mâchouillé plusieurs fois avant de sortir de sa bouche ouverte.
-« Excusez-moi, vous vous sentez bien Monsieur ? »
Oui bafouilla-t-il encore, ce faisant qu’il tournait la tête lentement à gauche puis à droite, découvrant une rue qu’il pensait ravagée et qui somme toute ressemblait à ce qu’elle devait être. Lentement il reprenait ses esprits et sortait de sa commotion. Petit à petit son regard se faisait moins fixe et ses pensées moins figées.
-« Vous avez senti le tremblement de terre ? » demanda-t-il au type des postes.
L’autre lui posa la main sur l’épaule et lui demanda s’il avait besoin d’aide.
-«  C’est rien il dit pour répondre au type. Je me suis endormi et vous m’avez réveillé en sursaut. Je faisais un mauvais rêve. Je vais bien merci de vous inquiéter.» L’autre eut l’air soulagé et lui sourit.
-«  Je préfère ça dîtes donc. Vous m’aviez l’air complètement à l’ouest. Vous pouvez signer ici, j’ai un télégramme pour vous. »
Il signa, prit le télégramme, salua le type des postes et referma la porte. D’un coup d’œil au rez-de-chaussée, il vit que la maison n’avait rien. Il n’en revenait pas mais il avait rêvé, il avait tout imaginé. Il entendit son chien hurler au sous-sol. Bon sang il en avait oublié le clébard. Il descendit presque rapidement maintenant qu’il avait recouvré toutes ses facultés. A peine eut-il ouvert la porte que son chien se précipita à l’étage.
Il remonta lui aussi, et dû crier pour calmer le setter qui furetait partout, montait et descendait les étages, passait d’une pièce à l’autre, bloquait net et tendait l’oreille, puis repartait de plus belle en gémissant. Au bout de dix minutes, le clebs finit malgré tout par se calmer.
Tout était calme de nouveau. Il fit néanmoins un tour à la salle bains histoire de chasser définitivement les quelques images de son apocalypse encore présentes à son esprit. Il se rassura bientôt à  trouver chaque chose à sa place, la serviette sur le porte-serviette, le savon.
Il était maintenant plus de vingt et une heure, la télé bourdonnait et installé dans son fauteuil, il pensa à Emma qui n’allait certainement plus tarder à rentrer. Il était impatient de lui faire partager son cauchemar, sûr qu’elle allait se foutre de lui et de ses frayeurs imaginaires. Du coup il se souvint du type de la poste et de son télégramme.
-« Mince le télégramme ! » lâcha-t-il. Il le tira de la poche arrière de son jean et l’ouvrit.
C’était Emma. Elle était dans un avion pour New Delhi. Elle le quittait. Elle voulait autre chose. Elle s’excusait.
Il reposa lentement le télégramme sur la table basse. Effondré dans le fauteuil, il garda l’œil fixé sur une petite tâche brunâtre qui semblait y dessiner un continent. Le chien à ses pieds se leva d’un coup et quitta la pièce tête et queue basse. Alors de nouveau il perçut le grondement sourd monter des fondations de la maison. Il sut que cette fois qu’elle n’y résisterait pas.

Le secret

22 avril 2008

Le soir tombe sur une sale journée, elle pose sa tête sur ma poitrine.
Elle s’apaise, elle me dit que c’est ici sa maison. Je sens l’odeur de ses cheveux.
Ses deux bras m’enlacent, et comme elle ressert son étreinte,
elle ne sent pas que moi aussi je tremble.
Elle se repose sur mon cœur tout autant qu’elle le réchauffe.
Tout est là.

Extra.

22 avril 2008

Je suis entré chez Edwards le boucher de la rue Monty.
Un ancien rugbyman. Un tueur. A peu près autant d’humour qu’un pneu rechapé mais une viande extra.
-« Bonjour ! Qu’est-ce que je peux vous servir ? »
-« Deux côtes de sport s’il vous plait. »
-« Alors deux côtes de sport pour le monsieur, vous les voulez dans le filet, dans le panier ou dans la surface ? »
-« Mettez les plutôt dans le filet, elles ont l’air bien servies. »
-« Voilà. Et avec ça ? »
-« J’aurais voulu deux steaks à chier s’il vous plait. »
-« Et deux steaks à chier…Il vous faut autre chose ? »
-« Oui deux tronches de cake fumés. »
-« Voilà. Elles sont un peu de travers ça ira quand même ? »
-« Ca ira oui. Et deux escalopes de dingue. »
-« Et deux escalopes de dingue. »
-« Ce sera tout merci. Je vous dois combien ? »
-«Dix sept mille euros, et vingt cinq centimes. Je ne vous ai pas compté le papier crépon »
-« Merci  Gareth. »
-« Je vous demande pardon Monsieur ? »
-« Hmmm… Rien. C’était juste pour plaisanter. Un jeu de mot avec votre nom, merci Gareth pour cigarette. »
-« Je m’appelle Edwards Monsieur, et je ne fume pas. Au revoir Monsieur et bonne journée. »
-« Au revoir Edwards. »
Vraiment extra.

Homme mûr (souvent tomber de l’arbre)

16 avril 2008

Quarante cinq ans.
Une balle à mille rebonds posée sur une table dans une pièce exigüe.
Considérons que les conditions météorologiques de la pièce sont ordinaires et que personne ne s’avise de bousculer la table ; les choses peuvent tout à fait paraître stables et posées, maitrisées voire.
Mais bien sûr, la tentation est forte de jouer avec cette balle ; et d’ailleurs, elle est faite pour ça.
Et bing! C’est parti, dans les coins, dans tous les sens, Pof! Sur le plafond, elle redescend, tape un angle, la voilà qui accélère et part rebondir là-bas sur…Cling! La vitre est brisée.
Quand ce n’est pas l’oeil de mamie qui est poché.
La tentation est forte certes, mais les conséquences souvent malheureuses.
Quarante cinq ans donc, et la sagesse d’une balle à mille rebonds posée sur une table dans une pièce exigüe.

Boulogne sur Mer

15 avril 2008

L’œil à peine ouvert, j’entends les mouettes crier au dessus de la ville.
« Pauvre de vous ! Pauvre de vous ! »
Comme sémaphores de leur détresse, les marins ont allumé de grands brasiers sur le port.
Au même moment, sur la plage près des dunes, les renards se régalent des poissons pris dans les filets des pêcheurs à pieds que la marée découvre. Il fallait se lever plus tôt.
La concurrence est rude et les animaux sauvages.

Quand il est content.

15 avril 2008

La fille qui part vers la salle de bains s’appelle Anita (Anita est nue).
Anita la jolie fille souriante est (nue) dans la salle de bains.
Anita la jolie fille souriante qui est (nue) dans la salle de bains ne le sait pas encore,
mais elle vient de passer sa dernière nuit dans ce lit.
Elle ne le sait pas et n’y songe pas un instant. Anita lui a dit qu’elle l’aimait.
Mais il a rencontré Dany.
Alors Anita va se rhabiller et sortir de la salle de bains.
Et caetera.

Il s’en veut et peste contre celui qui a fait le dosage. Qui donc a eu la main lourde à ce point ?
-« Bon sang! se dit-il, visiblement attristé d’à nouveau être le bourreau.
Ca n’aurait pas été très difficile d’en mettre un peu moins non ? »
(Il évoque là sa propension à la conquête, tribut hormonal argue-t-il)

La porte qui claque le soulage et déjà il pense à autre chose.
Le soleil fait danser des petites étoiles à travers les vitres de sa chambre.
Content de vivre, il sourit. Il remue la queue aussi.

Transit.

2 avril 2008
Il n’y a pas longtemps qu’il est là.
Il souffle dans ses mains, il se souvient.
Maintenant il est au pied du mur.
Blotti contre ces pierres d’un autre âge,
il se protège du vent.
Il n’y a pas longtemps qu’il est là
mais il sait déjà qu’il ne restera pas.
Pas longtemps.
Il neige maintenant.